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jeudi, mars 30, 2006

dernier espoir





Il est un arbre au cimetière
Poussant en pleine liberté,
Non planté par un deuil dicté, -
Qui flotte au long d'une humble pierre.
Sur cet arbre, été comme hiver,
Un oiseau vient qui chante clair
Sa chanson tristement fidèle.
Cet arbre et cet oiseau c'est nous :
Toi le souvenir, moi l'absence
Que le temps - qui passe - recense...
Ah, vivre encore à tes genoux !
Ah, vivre encore ! Mais quoi, ma belle,
Le néant est mon froid vainqueur...
Du moins, dis, je vis dans ton coeur ?


Paul Verlaine (1844-1896) : Le livre posthume

mercredi, mars 01, 2006

Scott (3)


l'éxode - Samab



Cet homme m'inspirait de la méfiance, je ne comprenais absolument pas comment on pouvait être aussi désinvolte, et sérieux à la fois. je voyais en Scott,en l'humour de Scott,en l'errance de Scott,un homme qui traite la vie comme un Monopoly,qui se joue d'elle comme elle se joue de lui,mais j'étais aussitôt surpris par ses idées .Mon professeur était un adepte de l'apprentissage ludique,un jeu,appelle une citation,qui initie un débat,nous essayions au début d'exprimer nos opinions en anglais,mais les discussions s'enflammaient rapidement ,que l'anglais aille au diable,un marocain sur ces nerfs,dans les quatre coins de la planète,parle toujours en Darija,quelque fois,l'égyptien prenais le dessus,pour que Scott puisse bien suivre la discussion. Ce monsieur s'arrangeait toujours pour centrer le débat sur de grandes questions existentielles, spirituelles, sous prétexte de partager ses plaisirs de lecture" soufi", certaines de ses citations trotte encore dans mon esprit :

« on ne peut créer l'intuition intellectuelle là où son absence est dans l'essence de l'individu, mais elle peut être actualisée là où son absence n'est qu'accidentelle, sans quoi il serait insensé d'en parler. »

« Il est possible que des intelligents acceptent l'erreur, il doit être possible également que des naïfs acceptent la vérité. »

« L'intelligence n'est belle que quand elle ne détruit pas la foi, et la foi n'est belle que quand elle ne s'oppose pas à l'intelligence. »

Parallèlement à cet engouement pour le soufisme, il développa une sainte horreur pour la psychanalyse, les théories de Freud, qu’il trouvait complètement farfelues, ayant comme dessin sournois de noyer Le repère, aller savoir pourquoi !
Le repère, ce mot était présent en filigrane dans le discours de Scott, sans qu’il réussisse à en donner une claire définition, c’est pour lui un magma de valeurs, d’idées, de croyances fixes, qui doivent épargner à la personne toute gymnastique intellectuelle à propos de sa vie, du pourquoi des choses, qui doivent la guider, lui dicter une conduite, mais ce que Scott cherchait, c’était la nature du repère !Scott se rendit dans les zaouïas Tijania, et Boudchichia, il était en cours de conversion à l'islam.
Ce grand blond aux yeux bleu azur, au regard enjoué joueur, avec ce blue - jean étriqué qui donnait l’impression d’avoir mené toutes les grandes guerre de ce monde, ce sac à dos vert qui ressemblait à une caverne d’Ali Baba, d’où s’échappait à chaque séance un objet mystique, une pipe, du swak ou un rasoir électrique, car Scott se rasait toujours en classe, il n’avait pas le temps de le faire ailleurs ! Cet homme était l’objet de ma curiosité, mon amitié avec Scott, nos grandes conversations, nos querelles d’opinion, m’ont permis de mieux me comprendre, de savoir que moi j’avais ce grand trésor que Scott convoitait goulûment, Le repère, quatre vérités toutes simples, bien faites, bien ancrées dans ma petite tête, qui tracent jusqu’à ce jour mon chemin de vie, et qui font que je n’ai jamais eu la moindre envie de changer mon nom, mon style de vie,mes principes, ma foie,ou même de quitter Fez, mon antre.
Grâce à Scott, je suis devenu conscient de l’importance de l’héritage, de toutes ces accumulations de réflexions que nous ont légué nos ancêtres, cette pensée qui a évolué, a été affinée au fil des siècles. Grâce à Scott j’ai réalisé l’importance de la valorisation du passé, et le danger de rester prisonnier du passé, grâce à Scott,j’ai senti l’intérêt qu’il y a à aller vers l’autre , car enfin,peut-on vivre sans l’autre,et l’autre peut-il vivre sans nous !
Scott a quitté le Maroc, voilà deux ans, avant de partir, nous déjeunâmes ensemble, chez moi. Il prévoyait de rentrer définitivement aux états- unis, il avait passé quatre ans à Fez, où sa dent de sagesse a brusquement fait irruption, disait-il en riant.
Depuis, j’ai reçu deux cartes postales de lui, dont les timbres constituent les joyaux de ma collection, une de Djibouti, et une autre de chine, où il s’extasie de la sympathie des moines tibétains, il faisait grand cas du bouddhisme.
De temps en temps, je pense à lui, et un sourire se dessine sur mes lèvres en imaginant Scott gourou d’une secte, Scott aura un jour ses scottiens, qui sait!